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Groupe d’improvisation free-rock au caractère électrique-onirique brut.

Au fond du fond

Au fond du fond

 

Une interview du groupe Amragol, réalisée dans une salle-de-bain.

Parce que c'est toujours mieux quand c'est n'importe quoi...

 

A tour de rôle au fond de la baignoire :

 

VK : Viktor Kolbitr, sample

AB : Ange Binocular, textes, voix et machines inventées

SR : Sulivan Rodriguez, basse et contrebasse

MC : Monsieur Charloux, guitare

 

 

 

Les 3 mots qui vous définissent bien, selon moi, c’est douceur, poésie et tumulte.

 

VK : Ouais, c’est pas mal. Carrément.

MC : La liberté, l’ivresse, la poésie ?

 

C’est qui, c’est quoi, Amragol ?

 

SR : C’est quatre lascars un peu déjantés. Chacun amène ses influences. Y’a aussi bien une énergie un peu arrachée, électrique, punk, que le fait d’être assez bruts. C’est de l’expérimentation.

 

VK : C’est une musique à la lisière, entre une musique entraînante, et une musique perturbante. On cherche autre chose que des rythmes ou de la mélodie, parfois. Des sensations musicales, ou sonores.

 

MC : Et de ces deux univers, on s’est demandé s’il n’y avait pas un dénominateur commun qui serait la tribalité, l’animalité, la sauvagerie. L’origine des sons.

 

AB : On est tous des poètes.

 

VK : Déjà, ce qui est important chez Amragol, c’est qu’il n’y a pas d’histoires d’égo, ce qui est assez rare dans les groupes de musiciens.

 

Y’a pas d’histoires d’égo parce que vous avez tous un égo surdimensionné.

 

VK : Voilà.

 

Pourquoi cette volonté d’improviser ?

 

AB : Essayer. Essayer d’essayer. Y’a un but, c’est que ça sonne. Qu’on se surprenne. Quand j’écris, je me prends vachement la tête, quand même. J’improvise pendant qu’on joue, mais s’il faut sortir un 45 tours, j’écris des paroles vachement chiadées.

 

VK : L’impro, c’est une question d’écoute. Aussi parce qu’on a envie d’aller à des endroits qui se ressemblent. Tous ensemble. C’est souvent sur le fil. Quand c’est vraiment sur le fil, ça veut dire que c’est du très bon Amragol. Mais l’impro, c’est du travail…

 

SR : On tire, on pousse, on se titille les uns les autres. Voir comment ça réagit. Et c’est pas que dans la musique, en fait.

 

VK : Des fois, on s’écoute en étant dans le mimétisme. Je fais surtout ça avec la guitare et la voix, c’est-à-dire trouver des sons qui répondent à ce qu’ils font. Et parfois, c’est le contraste absolu avec ce qu’ils font. Stéphane apporte une certaine poésie et une certaine timidité, aussi. Une fragilité, parce qu’il improvise souvent ses textes pendant qu’on joue. On est donc à l’écoute de ce qu’il fait, et on est à son service quand les mots lui viennent.

 

MC : Je pense qu’on découvre toujours quelque chose de soi-même, mais avec Amragol, on apporte surtout quelque chose de soi qu’on connaît déjà. Mais qu’on n’a peut-être pas l’habitude d’explorer. C’est pas quelque chose de nouveau pour chacun d’entre nous. Mais l’ensemble peut donner quelque chose de nouveau.

 

AB : La qualité de certaines choses, c’est ce qu’il se passe sur le moment. Et parfois, le mieux est l’ennemi du bien… Faut pas chercher la perfection mais dire ce que tu as envie de dire. Peut-être que ça, ça peut être quelque chose de rafraîchissant pour les gens qui écoutent.

 

VK : Mais on a aussi des habitudes avec Amragol, parce qu’on se connaît bien. Mais là où on est le plus fort, c’est quand on les oublie. Et ça arrive de temps en temps, quand on est vraiment tous à fond. C’est une espèce de transe qui arrive, qui est vraiment belle. On ne maîtrise plus, on ne sait plus qui joue quoi. Des fois, je coupe le son du sampler pour être sûr. Et j’adore ça !

 

Qu’est-ce que vous apportez les uns aux autres ?

 

VK : Mélou, avec sa basse, apporte une structure rassurante.

 

SR : Même s’ils me disent souvent qu’il faudrait que je fasse l’amour à ma basse et que j’arrête d’y réfléchir. Ma culture classique, parfois, c’est une planque et un boulet. Mais ça va mieux…

 

VK : Charles apporte une expérience, parce qu’il a plus joué sur scène.

 

SR : Charles, c’est beaucoup d’énergie… Hubert, c’est plonger dans un univers. Coller des choses les unes avec les autres. Créer des clashes. Hubert, c’est l’inattendu.

 

VK : Avec le sampler, j’apporte des sons qui, peut-être, donnent des images à la musique, et qui, en même temps, entraînent les autres dans d’autres mondes.

 

SR : Et Stéphane, quand il part, il part, il est à fond. Et puis, au niveau poésie et de toutes ses langues inventées, c’est génial.

 

VK : Le bizarre, c’est surtout Stéphane et moi. C’est nous les bizarre. Je lance des sons qui ne sont pas calés rythmiquement, et n’ont souvent rien à voir avec la mélodie. Je prends une autre place, dans Amragol.

 

SR : Hubert, c’est un provocateur. Et Charles aussi. Stéphane et moi, on est plus posé. Stéphane est plus provoc’, peut-être, dans ses textes, dans sa non-conventionnalité.

 

Et Amragol, c’est provocateur, au final ?

 

SR : Ouais. En tout cas, moi, ça me provoque un peu.

 

VK : Non. Provoquant, oui.

 

Parfois, je me demande s’il n’y a pas un peu de craie dans votre musique, tu sais,

ce sale bruit sur les tableaux d’école qui fait mal aux dents…

 

MC : Ah oui ! Y’a souvent des ongles dans la purée…

 

Vos recherches sonores vous amènent également à inventer de nouveaux instruments ?

 

AB : Mais ça reste quand même assez brut. Y’en a dont je joue régulièrement. Comme cet instrument avec quatre ressorts et un micro de basse électrique. Les ressorts agissent comme des cordes sur le capteur de guitare, sauf que ce n’est pas du tout le même son. On peut triturer les ressorts comme on ne pourrait pas le faire avec des cordes. On peut tirer dessus, on peut les tordre. On peut les gratter, les faire claquer. Ils sont beaucoup plus souples qu’une corde. C’est un instrument que j’aime bien. Il peut être agressif, doux, mystérieux. Il peut être funky…

 

Comment vivez-vous les ciné-concerts sur les films de Kolbitr ?

 

AB : Déjà, ça fait longtemps que je connais ses films. Et ça fait plaisir de jouer dessus, parce que ça leur donne une deuxième vie.

 

SR : Le fait de voir le film et de faire la musique en même temps, c’est un truc assez spécial. Où tu oublies ce que tu fais, presque, pour jouer dans l’image.

 

MC : Je suis dans les personnages. Dans certains. Quand y’a le mec qui bouffe des sardines dans Drosera, je joue toujours la même chose à la guitare. D’ailleurs, c’est le seul truc récurrent, parce qu’on improvise tout le temps. Il m’inspire, ce mec-là, dans son jeu d’acteur. Je vois toujours un western, et, à la guitare, je sais faire qu’une seule chose qui sonne western.

 

VK : C’est très bizarre. C’est à la fois pas agréable du tout parce que je les connais par cœur. Et aussi parce que j’ai déjà fait une bande-son pour ces films.  Donc ça veut dire qu’il faut que j’oublie le son que j’ai mis sur ces films pendant  qu’on fait tout ça.  Mais je pense que je l’ai oublié, le son que j’ai fait, maintenant, aussi. Quand on joue dessus, je l’ai vraiment oublié. Maintenant, ça devient la musique qu’on fait, nous.

 

C’est quoi, l’esthétique et le pouvoir de séduction d’Amragol ?

 

MC : Le côté wild, c’est ça qui peut séduire. Le côté sauvage, hors norme, hors cadre.

 

SR : Pour moi, c’est la constance. Pour garder une certaine vision que j’ai de l’esthétique, ne serait-ce que par la cohérence mélodique, même si ça peut être complètement dissonant. C’est peut-être pas de l‘esthétique, mais c’est de la cohérence globale un peu aléatoire.

 

AB : T’as vu mes bottines ? Elles sont vachement bien, hein ?

 

VK : Ramène-moi mon verre de vin, s’il te plaît…

 

Le fantasme absolu, ce serait de jouer où ?

 

MC : Moi, j’aimerais bien jouer dans un cimetière, ou alors dans un hôpital psychiatrique, ou une prison, ou dans le désert. Ou dans des chiottes. Dans des endroits définitifs.

 

VK : Ce qui me ferait le plus plaisir : dans un pays très lointain. En plein air.

 

SR : A l’étranger. N’importe où. Pendant longtemps.

 

AB : Jouer pour un Nils sur une île sur le Nil.

 

Et toujours dans le fantasme, vous aimeriez inviter qui à jouer un soir avec Amragol ?

 

MC : Bob Marley. Mais le mettre à un instrument dur, comme le triangle… Ou non ! Au violon ! Bob Marley au violon…

 

AB : Avec René Lussier. C’est un québécois qui est musicien et qui a une fantaisie extraordinaire.

 

SR : Y’a un gars, mais je crois qu’il est mort, alors, il ne viendra pas jouer. C’était Bobby Lapointe.

 

VK : Steven Stapleton, du groupe Nurse with Wound.

 

Une question à poser à votre public ?

 

VK : Pourquoi on devrait poser une question à son public ?

 

MC : Vous êtes où ?

 

SR : Est-ce que vous voulez venir jouer avec nous ?

 

AB : Est-ce que vous avez passé un bon moment ? Mais j’ai jamais posé cette question aux gens…

 

(…)

 

 

AB : Ah ! J’ai quelque chose à ajouter.

C’est ma mère qui m’a dit : « Arrête tes conneries avec Amragol. J’adooooore Amragol. Mais faut que tu trouves un travail. »

Faut que j’aille me coucher, demain, je me lève tôt.

 

 

Interview réalisée à Paris, le 18 février 2009 par Clara Müller pour Télérafolk, et terminée vers 02h28.

 

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